Sur les traces de la Rouge du Roussillon :
Un peu d'histoire
DES ORIGINES ORIENTALES: LA BARBARINE
Les moutons à robe rouge et queue grasse sont communs dans toute l’Asie centrale et le
proche Orient: parmi les nombreuses variétés locales, on cite souvent la « rouge de
Caramanie », dans le sud de l’actuelle Turquie ; ou l’Awassi, syrienne et palestinienne,
fortement sélectionnée ensuite en Israël. Toutes sont plus ou moins orientées vers la traite,
et elles s'étendent jusqu’en Afrique du Nord, où elles atteignent la Tunisie à l’ouest. Cette
dernière population, qui déborde légèrement sur l’Algérie orientale dans la région du Souf, a
finalement reçu, à l’époque coloniale, le nom de « barbarine » ; mais n’oublions pas que ce
terme, très vague au départ, regroupait autrefois tout ce qui provenait peu ou prou d’un pays
islamique, et notamment du Maghreb. …
Quoi
qu’il en soit, nos
barbarines
sont là, et ne connaîtront pas le funeste sort
de leur
importateur puisque leur présence est bien attestée sur plus d’un siècle : un lot venu
d’Aimargues, par exemple, bien identifié comme « barbarine à queue grasse », est
primé au concours régional d’Arles en 1899. Idem au concours de Nîmes de 1905.
Quelques animaux seront encore
présentés à celui de Marseille en 1912 …
C'est vers 1840 que les témoignages locaux se font très précis. Et tout particulièrement,
dans le Bulletin de la Société d’Agriculture de l’Hérault, celui de Viviez (1839) :
« leur importation dans le Bas Languedoc date d’environ un siècle ;
C’est particulièrement dans les départements de l’Hérault et du Gard que cette race s’est
conservée, et elle y a remplacé les troupeaux d’espèce commune dans les parties basses …
Mais ce n ‘est que depuis un petit nombre d’années qu’elle est très recherchée,
et que les propriétaires et fermiers apportent beaucoup de soins dans le choix
du bélier et dans celui des agneaux qu’ils gardent ; aussi, des améliorations
sensibles ont elles été obtenues dans leur forme et dans la
qualité de la laine. »
LA ROUGE DU ROUSSILLON
En 1936, pour la première fois, des troupeaux algériens sont débarqués à Port-Vendres : c’est important car, jusque là, Marseille était semble-t-il le seul
port agréé pour les ovins d’Afrique du Nord. Il note que « de nombreuses brebis d’origine africaine importées par Port-Vendres viennent grossir les rangs
du troupeau français ».
Ces mouvements reprendront d’ailleurs probablement dans l’après-guerre.
Or, Port-Vendres ne reçoit pas d’ovins de la lointaine Tunisie, mais ce que l’on dénomme alors le « mouton oranais » . Or, sous ce nom générique, il peut
s’agir (entre autres) d’animaux de couleur rousse, issus de la population dénommée « Hamra » du côté algérien, et « Béni-Ighil » sur le versant marocain
de la frontière.
Dans un passé proche, les « derniers » transhumants andorrans (peu sont encore en activité) avaient largement adopté la brebis rouge ; celle-ci
était parfois baptisée « brebis des vignes ». Ces troupeaux s’infiltrent dans les Corbières, le narbonnais, le biterrois et même au-delà : Pierre Calvo,
récemment retraité, passait tout l’hiver à Aubord, maintenant proche banlieue de Nîmes et l’un des fiefs, plus d’un siècle auparavant, de la …
barbarine !
Avec cette adoption, les andorrans ont certainement sauvé la rouge, celle que nous connaissons ; mais au passage, en l’amenant sur les anciennes
terres de la
barbarine, ils ont contribué à la confusion entre les deux types originels.